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Douloureux retour de vacances

Bashkim Iseni revient sur la problématique des hospitalisations dues au Covid à la fin de l’été.

Il y a quelques jours, la une d’un grand média alémanique faisait appel, dans les langues des migrantes et des migrants, à se faire vacciner. Si la pratique de mener des campagnes de prévention et d’information auprès des personnes étrangères dans leur langue d’origine est courante, je n’avais pas connu jusqu’à ce jour une démarche médiatique d’une telle ampleur ciblant aussi ouvertement des populations spécifiques.

Même si la finalité du message appelant les communautés migrantes à se faire vacciner est parfaitement louable et légitime pour endiguer la quatrième vague de la pandémie de Covid-19 qui nous menace, cette campagne s’est déroulée dans un contexte polémique invraisemblable, lié à l’augmentation de personnes étrangères hospitalisées en raison du Covid-19 de l’autre côté de la Sarine.

Cette médiatisation suscite un malaise. En fait, la manière de produire et de mettre en exergue les chiffres de malades étrangers dans l’opinion publique est problématique. En se focalisant sur l’origine des patients Covid, le débat public jette un voile à la compréhension des causes de la situation sanitaire et déculpabilise d’autres acteurs qui ont aussi une part de responsabilité.

Il va de soi que les personnes immigrées qui étaient hospitalisées en Suisse avaient probablement pris des risques, pour se retrouver en si grand nombre contaminées par ce vilain virus, et son nouveau variant qui fait des ravages. Toutefois, pourquoi n’ont-elles pas été vaccinées avant de partir en vacances dans leur pays d’origine, et le pouvaient-elles? Étaient-elles correctement informées sur le plan de la prévention et de l’importance de la vaccination? Avaient-elles les ressources et l’accès aussi aux bonnes informations?

«Les migrants sont parfois très mal informés sur les endroits où ils peuvent se faire vacciner ou sur qui paie pour ces services», reconnaissait le médecin cantonal bâlois Thomas Steffen il y a quelques semaines. Ou, comme le dit l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), «il existe une plus grande incertitude dans certains sous-groupes de la population migrante».

Quant au pays d’origine qui accueillait sa nombreuse diaspora de Suisse, mais aussi d’ailleurs, avait-il mis en place des mesures barrière contre le Covid-19 ou avait-il au contraire tout assoupli, afin de permettre à tous ces estivants aux poches pleines d’euros de passer des belles vacances, comme au temps où le Covid-19 n’existait pas?

Des conséquences directes

Cet épisode m’a rappelé une autre polémique, survenue en Italie, au début de la pandémie, qui avait visé les populations chinoises établies dans ce pays et qui étaient très injustement accusées d’avoir amené le virus au pays. Traiter une population de pestiférée renforce la xénophobie et a des conséquences directes sur le vivre-ensemble.

Pour rappel, le week-end dernier, un festival de culture albanaise a été arbitrairement annulé à Zurich, sous prétexte qu’il y avait un risque accru car les jeunes qui allaient s’amuser provenaient de familles potentiellement contaminées, et ce malgré le respect strict des mesures sanitaires en vigueur. Or, au même moment, d’autres manifestations de grande ampleur ont eu lieu dans cette même ville. Cela s’appelle désormais «deux poids, deux mesures».

Publié dans le quotidien 24Heures, 11 septembre 2022