France 2016

Le Kosovo, la troisième équipe suisse

Treize joueurs albanais et quatre suisses présents à l’Euro peuvent désormais jouer pour cette nation récemment reconnue par l’UEFA et la FIFA.

«J’ai pris ma décision, et il n’y a pas de retour en arrière possible. Je jouerai pour le Kosovo et non pas pour la Norvège. Je jouerai pour les couleurs du pays de ma ville natale. Nous sommes une jeune équipe, mais très talentueuse.»

Les propos de Bersant Celina, le milieu de terrain de Manchester City, ont choqué les médias norvégiens. Ils ont charmé les fans du Kosovo, qui rêvent désormais d’entendre les mêmes mots dans la bouche du Belge Adnan Januzaj (Manchester United), ou pourquoi pas des Suisses Granit Xhaka, Xherdan Shaqiri ou Valon Behrami.

Le 3 mai 2016, après une longue attente, le Kosovo a été admis à l’UEFA puis 10 jours plus tard, le 13 mai, à la FIFA. Cette reconnaissance peut potentiellement changer beaucoup de choses. Les joueurs d’origine kosovare qui avaient fait le choix de la Suisse ou de l’Albanie, peuvent désormais se déterminer en faveur de cette nouvelle nation du football.

Un sélectionneur suisse

C’est le souhait d’Albert Bunjaki, ancien entraîneur assistant de l’équipe suédoise de Kalmar FF, aujourd’hui sélectionneur du Kosovo. Depuis trois ans, il sillonne le monde pour rechercher des joueurs et les convaincre de venir jouer des matchs amicaux pour l’équipe kosovare, alors que cette dernière n’avait pas encore été acceptée au sein de la FIFA. Bunjaki est allé en Russie, en Chine, en Islande, en Malaisie et bien sûr en Suisse où il a convaincu Denis Markaj (Le Mont), Kristian Nushi (St-Gall), Alban Pnishi (GC), Imran Bunjaku (GC), Mërgim Brahimi (GC) et Hekuran Kryeziu (Lucerne).

Fadil Vokrri, président de la Fédération de football du Kosovo et seul joueur kosovar a avoir joué dans l’équipe nationale de Yougoslavie, souligne que de nombreuses générations ont dû travailler dur avant de parvenir à ce résultat. «La route de notre adhésion à l’UEFA et à la FIFA a été longue et parsemée de sacrifices. En 2006, nous avons rencontré pour la première fois Sepp Blatter et il a fallu être convaincant pour que la FIFA nous permette de jouer des matches amicaux.» Le premier, un match nul contre Haïti a eu lieu le 5 mars 2014. Trois mois plus tard, l’équipe perdait par 6 buts à 1 face à la Turquie. Ces deux matchs ont eu lieu dans le stade «Adem Jashari» de Mitrovica, dans le nord du Kosovo. La première victoire date du 7 septembre 2014 contre Oman.

Convoité par l’Albanie, Mërgim Brahimi a gagné le surnom de «traître» en choisissant le Kosovo. Il assume. «La Fédération albanaise m’a trahi et laissé tomber. Je suis reconnaissant à la Suisse, car là-bas j’ai pu me construire, étudier et devenir footballeur professionnel, mais maintenant je suis heureux de jouer pour le Kosovo.» L’adhésion du Kosovo a également réjoui son coéquipier à Grasshopper Alban Pnishi. «Nous sommes tous heureux. Il est trop tôt pour parler de succès, car nous n’avons pas encore disputé de match depuis que nous avons été acceptés. Mais nous, les Albanais (sic), sommes connus pour être combatifs et nous nous battrons.»

«Les joueurs choisiront librement»

«Nous avons de bonnes relations avec l’Albanie, assure Fadil Vokrri, le président de la fédération kosovare, et je crois que cela va continuer. Nous avons répété à plusieurs reprises qu’il appartient aux joueurs de décider quel pays ils veulent représenter. Le Kosovo est ouvert à tous ceux qui ressentent l’envie ou l’obligation de jouer pour le pays, et il a tout le potentiel pour mettre sur pied une bonne équipe.» Actuellement, treize joueurs de nationalité kosovare jouent pour l’équipe nationale albanaise et quatre pour la sélection helvétique (Xhaka, Behrami, Shaqiri et Tarashaj).

Malgré cette euphorie, le Kosovo reste confronté à de nombreux problèmes et difficultés. Le principal est la question des stades. «L’infrastructure est notre talon d’Achille, reconnaît Fadil Vokrri, mais nous travaillons à l’amélioration du stade «Adem Jashari» à Mitrivoca pour accueillir des matchs de niveau international. D’ailleurs, des travaux pour la construction du stade national ont commencé.» Le Kosovo ne possède pas de stade aux normes européennes, alors qu’on y trouve des ligues bien organisées, comme la Super League féminine.

L’ancien capitaine de l’équipe du Kosovo, Anel Rashkaj, espère que «l’argent reçu de l’UEFA et de la FIFA sera utilisé par les clubs kosovars et pour le développement du football, et que son utilisation sera correcte. Après avoir été accepté dans l’UEFA, il faut travailler dur et ne pas se contenter de paroles.»

Traduction: Vera Kika

letemps5
Article paru dans « Le Temps », dans le cadre d’une opération commune avec « Albinfo.ch »