Kosova

Shkipe Bunjaku, une Albanaise dans l’armée suédoise

Porter le grade de « sous-lieutenant » dans l’armée suédoise est une grande responsabilité. Il faut une éthique de travail rigoureuse et un engagement personnel pour y parvenir. Ce sont justement ces qualités qui ont permis à Shkipe d’être aujourd’hui une vétérane respectée en Suède.

Parmi de nombreuses opportunités, elle a choisi de devenir soldate – une profession noble mais exigeante. Grâce à sa volonté et à sa motivation, elle a su transformer cette vocation en bénédiction.

Une vie en Suède, au sein d’une société et d’une culture différentes

Shkipe a une biographie singulière. Originaire de Kaçanik, son père a vécu plusieurs années à Skopje, puis à Istanbul, avant de s’installer définitivement en Suède en 1968.

Bien qu’elle soit née à Stockholm, Shkipe a conservé la langue, les traditions et la culture albanaises. À l’âge de 12 ans, elle a déménagé avec sa famille à Malmö, une ville où la communauté albanaise est plus importante. C’est là qu’elle a fait sa scolarité, de l’école primaire au lycée.

Concernant la vie et la société suédoises, elle confie que l’adaptation n’a pas été facile et qu’elle ne se sentait pas égale, même si elle maîtrisait parfaitement la langue suédoise :

« Malgré ma maîtrise de la langue, mes camarades albanais et moi avons subi des discriminations, notamment à cause de mon prénom, peu courant en Suède. J’ai dû lutter davantage dans ma vie quotidienne et à l’école, en équilibrant la culture albanaise transmise par mes parents avec celle de la Suède », confie-t-elle au magazine Albinfo.ch.

Inspirée dès son plus jeune âge par son père, qui lui répétait que la réussite passe par l’éducation et la culture, Shkipe a récompensé ses sacrifices par ses succès académiques et professionnels.

Formation et parcours professionnel

Après le lycée, Shkipe a étudié à la Shenandoah University à Washington D.C., où elle a suivi deux cursus parallèles : Journalisme international et Relations internationales et diplomatie.

« Après mes études aux États-Unis, j’ai poursuivi à l’université de Stockholm, au département de droit, car mon objectif était de devenir médiatrice, influencée par les injustices que j’avais vécues », explique-t-elle.

Son parcours dans l’armée suédoise

Pendant ses études, elle a milité pour la cause du Kosovo dans des organisations et lors de rencontres avec des politiciens et des généraux suédois. Ces engagements ont renforcé son désir de devenir soldate.

« Un cours sur l’histoire nordique et l’Union européenne m’a fait m’intéresser à la place de la Suède dans l’UE ; ensuite je me suis engagée sur les questions liées aux Balkans, face aux menaces du régime yougoslave. J’ai organisé un “Riksdag” pour les jeunes, avec Kofi Annan comme invité d’honneur – un événement qui m’a profondément marquée. »

Missions à l’ONU et à l’OTAN

Après avoir milité auprès de l’ONU à Genève et dans les sièges de l’UE et de l’OTAN, elle a fait la rencontre du général suédois Carl Bildt, négociateur des Accords de Dayton. Celui-ci lui demanda un jour pourquoi elle ne rejoignait pas l’armée :

« Cette question m’a valorisée et motivée. J’ai postulé pour devenir pilote militaire, mais mon âge (24 ans) ne le permettait plus. J’ai alors été recrutée comme soldate. Après les tests officiels, en pleine guerre du Kosovo, j’ai été sélectionnée pour une mission avec la KFOR (1999–2001). »

« De la terre brûlée du Kosovo au premier Parlement de Pristina, j’étais présente ! Je me sens chanceuse et fière. Voir aujourd’hui la montée en puissance de l’Armée du Kosovo me donne le sentiment d’avoir contribué à sa naissance. »

Et pour conclure, Shkipe déclare :
« Même si je suis née à Stockholm et que je suis une soldate du roi de Suède, mon cœur reste albanais – fille de Kaçanik et de Stockholm à la fois. »