Opinion

Regards croisés sur les migrants en suisse et la question de la double appartenance

La journée internationale des migrants du 18 décembre est une opportunité pour faire le point sur ce sujet, à savoir, que se passe-t-il en Suisse, en Europe et dans le Monde ? Depuis quelques mois, la guerre fait rage aux portes de l’Europe dont notre pays fait partie. La Suisse a pris sa part de responsabilité en faisant face aux flux de migrants qui ne cessent d’arriver d’Ukraine. Dans son côté, le Secrétariat d’Etat des Migrations (SEM) a récemment mis en place l’Agenda d’Intégration Suisse (AIS) pour intégrer les personnes issues de la migration en général et en particulier celles détentrices d’un livret F dans un délai de sept ans. Accueillir et intégrer sont deux objectifs qui croisent leur chemin. De plus, l’intégration des migrants touche fortement la vie institutionnelle et associative du pays d’accueil. Une question se pose : comment s’y prendre pour conserver la tradition de bon accueil des helvètes et promouvoir l’intégration ?

Pour y répondre, nous devrions faire un bond en avant pour relater la situation actuelle et répondre aux défis dont la nature est sociale, financière, administrative et juridique. Ainsi, les nouveaux arrivés sont en majorité des ukrainiens (livret S), tandis que d’autres migrants possédant un livret F sont déjà sur le sol suisse souhaitent s’intégrer dans la société suisse ainsi que sur le marché du travail. En général, on se rend compte que ces migrants sont presque tous bilingues, avec une culture, des compétences et avec une bonne volonté de contribuer à la société suisse, en somme, qu’ils ont déjà une appartenance à celle-ci. De plus, nous dirons qu’ils ne sont pas moins intelligents que nous !

Cependant, un travail de fourmis s’impose à ce stade. Nous devrions encourager ces nouveaux arrivés en suisse à s’intégrer dans la vie sociétale tout en admettant que l’intégration passe par des contextes non-officiels, dit  « par le bas », à travers le principe de diversité comme une valeur inclusive. Donc ils devraient participer aux réunions de quartier, fêtes des voisins, devenir membre d’une association, faire de bénévolat, ainsi en espérant réussir une intégration locale.

De l’autre côté, les migrants possédant un livret F devraient participer aux institutions, la voie législative le leur permet à certaines conditions telles que : faire partie de la commission d’intégration communale, ou encore être élu en tant que conseillers communaux. Au niveau de la vie associative, ils doivent avoir accès à la richesse culturelle du pays d’accueil comme : regarder un film, aller au théâtre voir une pièce, visiter un musée, dans le but d’appréhender les valeurs de la suisse. Dans cet optique, l’Agenda d’Intégration Suisse doit continuer à tracer son chemin en intégrant les migrants détenteurs de Livret F en leur proposant des activités collectives comprenant des ateliers, sorties, animations, visite d’institutions, séance d’information et modules divers. Au niveau individuel, il faut permettre à chacun/e d’élaborer un programme personnel d’autonomie (PPA) ou un programme individuel d’intégration (PII). Ces projets permettront aux migrants d’exploiter ou améliorer ses compétences acquises dans le pays d’origine, afin de s’intégrer sur le marché du travail. Ce sont des activités qui conduisent ces migrants vers une intériorisation des valeurs du pays d’accueil en leur permettant de maintenir une double appartenance.

Ainsi, un regard croisé sur ces activités susmentionnés nous amène à explorer d’autres pistes qui permettraient à ces migrants de s’intégrer dans le pays d’accueil. Celles-ci comprennent des cours, formations, stages, apprentissages pour améliorer leurs compétences et les orienter vers les secteurs manquant de mains d’œuvre. Il faut souligner que les secteurs de l’hôtellerie, de la santé et de l’informatique auront besoin de main d’œuvre dans l’avenir. S’investir dans ces secteurs besogneux, c’est une aubaine à saisir et un point de convergence entre deux parties : autorités et migrants. D’ailleurs, il serait judicieux de prioriser ces personnes qui sont déjà sur le sol suisse au lieu de faire venir de main d’œuvre d’ailleurs ! En guise de rappel, en mars 2022 le Conseil fédéral a déjà adopté certaines mesures pour alléger les démarches administratives concernant les secteurs qui souffriront de pénurie de main d’œuvre afin de recruter des travailleurs provenant de pays tiers. Jusqu’à présent, la législation prévoyait l’accès sur le marché du travail suisse uniquement pour les travailleurs hautement qualifiés, à certaines conditions, sans tenir compte des travailleurs provenant des pays de l’UE/AELE.

Abdulah Ahmedi, docteur en droit